J’ai écrit ce texte pendant mes études d’archéologie (je me demande si je n’avais pas commencé le brouillon durant un cours sur la Grèce ou si l’idée n’avait pas germé à ce moment-là). Je me souviens de la lumière de la lampe du bureau, le PC ouvert sur Word (à l’époque, je n’avais aucune idée du monde du libre), sans connexion internet (parce que je savais déjà être une addict de cette technologie), moi assisse dans ma chaise bleue à roulettes, sur mon grand bureau IKEA.
La date de la publication originelle est novembre 2003, sur un site d’avis, sous le pseudo d’un personnage original imaginé pour la série des jeux vidéo des experts.
Je vois de plus en plus d’articles sur l’histoire et le serious game. J’ai eu une pointe de nostalgie en pensant que plus de 10 ans auparavant, avant que la vie ne m’amène sur le numérique éducatif, j’avais déjà entamé une réflexion sur le lien entre l’histoire et les jeux vidéo. Et bien que je n’avais aucune idée de ce que l’on pouvait faire en éducation (bien qu’une des phrases du texte qui suit est : « se cultiver tout en s’amusant »), nul doute que ce premier jet m’a influencé dans l’article que j’ai écrit il y a quelques années sur les HOG (objets cachés) et les langues.
Je tenais à vous mettre cet article, sans retouche, tel que je l’ai écrit à l’époque.
Mais quand je vois ce que j’ai écrit entre mes 18 et 25 ans, je me dis que je devrais rapatrier ces textes et les republier ici (réflexion sur la violence et les jeux vidéo, sur l’humanité, les identités suite à ma lecture des Identités meurtrières d’Amin Maalouf – à vraiment lire! -, etc.).
Passons maintenant à ce texte de mes 20 ans et presque 8 mois (peut-être que je devrai en réécrire à mes 31 ans et presque 11 mois?).
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Quand le jeu vidéo est né, personne n’avait osé imaginé que celui-ci prendrait à son compte l’histoire et l’archéologie. En effet, qui aurait voulu d’une matière aussi ennuyante dans un domaine où seul le mot plaisir fait loi ?
Je ne prétends pas retracer le parcours de ces deux disciplines dans le monde virtuel. Mais je peux faire une constatation. L’histoire et l’archéologie ont pris une place de choix dans les jeux vidéo.
Pour preuve :
– Versailles ( 2 opus )
– Egypte ( 2 opus )
– Tomb Raider ( 6 opus + 3 add-on + 2 opus sur GB )
– Aztec
– Jerusalem
– Age of Empires ( 3 opus, 3 add-on )
– Battlefield 1942
– Medal of Honor
– Vietcong
– Korea: Forgotten Conflict
– Paris 1313
– Chine: Intrigue dans la cité impériale
– Conflict Desert Storm
– Commandos
– Earth Empires
– Civilization
– Pharaon
– Shogun Total War
– etc.
Prenez Lara Croft, aventurière que l’on présente comme une archéologue. Ok, ce n’est pas de l’archéologie comme on aimerait le pratiquer mais c’est le phénomène Indiana Jones : je vais te trouver un artéfact mais il y a un méchant qui le convoite. L’archéologie, ce n’est pas cela.
Mais en analysant Tomb Raider ( version PC ), on peut constater :
– Vestiges incas ( et non mayas comme il a été dit en 1996 : les Incas ont vécu au Pérou et les Mayas au Mexique, or, Lara part au Pérou ! )
– Un vieux monastère avec des ruines grecques ( et une tombe atlante purement fantaisiste )
– Des vestiges égyptiens ( avec des éléments comme les obélisques )
Ceci est pour le premier opus. Déjà, rien que cela, on peut sentir les pôles qui intriguent les gens : Précolombiens, Grecs et Egyptiens.
Pour le second volet, Lara commence son aventure sur la Grande Muraille de Chine, monument on ne peut plus historique. Elle débarque ensuite à Venise, parcourt une épave, se retrouve au Tibet pour finir logiquement en Chine. Si quelqu’un vient me demander quel est le rapport avec l’histoire et l’archéologie, alors, il a vraiment les yeux fermés : Grande Muraille et l’épave ( historique si je me souviens bien ) ne sont-ils pas des indices d’histoire et d’archéologie ?
Dans Tomb Raider III, l’Inde et ses temples sont au rendez-vous ainsi que la visite dans un musée londonien…Pour l’add-on, des ruines écossaisses…
Dans The Last Revelation, Egypte et Cambodge sont les pays visités. Or, ce sont deux pays qui ont des structures gigantesques ( pyramides et temples ), du moins, ce fut un choix.
Dans le cinq, une escapade à Rome et dans l’épave d’un U-Boat nous montre l’intérêt de la belle pour l’histoire.
Bien sûr, ce sont des lieux qui vont bien à Lara, puisqu’elle a le titre d’archéologue. Sans s’en rendre compte réellement, le joueur est immergé dans un univers avec des éléments historiques et archéologiques. Dans la vie réelle, ce même joueur trouverait mortellement ennuyant ces deux disciplines.
Mais dans un jeu de guerre, qu’en est-il ?
La seconde guerre mondiale est un sujet prisé, jamais épuisé. Il suffit de prendre Medal of Honor ou Commandos pour s’en rendre réellement compte. Vous incarnez rarement un officier nazi et si vous deviez le faire, vous seriez alors simplement un espion. Le politiquement et moralement correct prime ici. Les blessures de cette guerre ne sont pas cicatrisées. Les nazis ont montré jusqu’à quel point les hommes peuvent être des êtres cruels et immoraux.
Mais dans un jeu, pourquoi ne pas interpréter un officier allemand ? Un jeu en réseau où on peut incarner un nazi doit être accepté. En effet, le joueur lambda n’adhère pas aux idées qui ont bouleversé les années 40. Chaque joueur sait que le but du jeu n’est pas de tuer les peuples étrangers mais de défendre sa position contre l’ennemi. Et pourtant, certains n’ont pas encore compris ceci. Des groupes néo-nazis ( et cela a été prouvé ) en ont profité pour incarner leurs « idoles » et pour faire passer leurs idées. La communauté des joueurs a été complètement choquée de cette attitude. Mais ne vous en prenez pas au jeu, il n’a jamais été conçu dans ce but-là.
Toujours est-il qu’à la place de fantassins allemands, on peut jouer les as de l’air. Combat Flight Simulator a l’avantage de vous proposer les camps opposés dans la guerre 40-45 ( 39-45 pour la France ) et vous pouvez voler comme officier nazi. J’ai joué le rôle de ce pilote allemand et je peux vous dire que la seule chose qui me préoccupait était l’ennemi en face de moi, géré par l’ordinateur.
Même les mers ne sont pas épargnées, même les sous-marins sont de la partie. L’eau a toujours fait place à de batailles navales ancestrales ou actuelles.
Les jeux de guerre sur le Vietnam commencent à pointer le bout de leur nez. Les Américains osent parler de cet échec, preuve en est Vietcong. Les blessures se pansent et on fait un soft qui peuvent ravir tout le monde.
La première guerre du golfe a aussi son jeu : Conflict Desert Storm. Sorti un peu après le 20 mars 2003, il ne dessert pas la cause américaine comme on pourrait le croire. On ose parler de guerre où le politique a un rôle fondamental. On veut aussi innover : trop de jeux sont centrés sur un événement trop éloigné dans le passé.
Pourtant, bâtir sa civilisation est un des concepts qui plaisent le plus. Colonization, Civilization, Pharaon, Age of Empires sont des titres qui en disent long. Mais parlons un peu plus d’Age of Empires.
En vous permettant de diriger le destin de civilisation antique, vous vous amusiez à créer vos unités, à former votre petite armée et à conquérir le monde. Oui mais le tout sur fond historique : les missions accomplies correspondent à une réalité historique. En gros, vous vous cultivez tout en vous amusant.
Et le fait de vous glisser dans la peau d’un personnage appartenant à l’histoire renforce cette culture. Je pense aux jeux Cryo ( Egypte par exemple ). Egypte, Aztec, Chine, Versailles, Rome, Pompéi, etc. sont certes des jeux qui ne pêchent pas vraiment par leur concepts ( point and click ) mais vous avez une petite encyclopédie qui vous en apprennent toujours plus.
Mais toutes les cultures sont concernées : Asie, Amérique, Europe en premier.
La guerre 14-18 et de Corée commencent à titiller les développeurs.
L’archéologie est certes peu traitée mais liée à l’histoire depuis toujours, elle transparaît dans les jeux vidéo.
Le pis, c’est que les jeunes préfèrent refaire l’histoire et lorsqu’ils ont un cours d’histoire, ils sont prêts à râler de toutes ces dates… Là est le paradoxe.
On ne peut pas toujours blâmer les jeux d’abrutir les gens. Après tout, les jeux vidéo font partie de la culture humaine.
Le sujet peut mener à une vraie réflexion sur l’utilisation de l’histoire dans le jeu vidéo : que peut-on faire dire à un jeu vidéo ? Influence-t-il notre vision de l’histoire ( les bons sont-ils toujours ceux que l’on incarne ) ? Pourquoi ne peut-on pas moralement jouer le rôle d’un ennemi ( vietcong, nazi, irakien, etc. ) ? Cela jouerait-il un rôle dans nos mentalités ? Comme vous le voyez, les questions ne manquent pas d’affluer. Je suis moi-même une gameuse avertie mais je suis aussi philosophe dans l’âme. Je suis littéraire de nature et cela ne m’empêche pas d’être une amatrice de sang virtuel. Comme quoi les stéréotypes sont à balancer dans les égouts…
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