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Barbie Computer Engineer = Jeune fille incompétente qui pond des idées… Gloups!

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Ceci est mon opinion personnelle, en tant que femme et développeuse.

Il n’y a aucun mal à vouloir pondre des idées pour un jeu éducationnel, loin de là. Mais réduire « Computer Engineer » à cela, avec une Barbie qui maîtrise à peine les bases de l’informatique, là, je dis: « WTF? ».

Vous allez comprendre pourquoi.

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Posons-nous d’abord la première question: pourquoi a-t-il fallu quatre ans pour que l’histoire fasse tant de bruits? Non seulement le bouquin est sorti en 2010 mais en plus, « Computer Engineer » a été un choix des fans pour la série Barbie – I can be. On ne peut que saluer l’idée de voir Barbie dans un domaine qui semble être plus l’apanage des hommes que des femmes.

Mais quatre après, la question de la représentation de la femme et du sexisme n’a jamais été aussi présente dans l’actualité du XXIe siècle. Qui n’a pas entendu parler de la taxe « rose », du #gamergate qui a tourné soudainement en lynchage, appels au viol ou autres de développeuses, critiques ou autres femmes osant s’affirmer contre certains comportements de joueurs, un hashtag qui a malheureusement vite été récupéré par une frange que la communauté de gamers et gameuses (à laquelle j’appartiens) refuse de s’y associer (déjà qu’on souffre du syndrome du joueur sans culture, qui devient violent et qui pète les plombs en allant tuer dans la vie réelle….)?

Dans ce contexte, Barbie I can be a Computer Engineer devient un symbole du sexisme… mais pourrait devenir aussi le symbole de la méconnaissance des métiers de l’informatique et du matériel lui-même.

En même temps, dans un autre domaine, Mélenchon, en France, s’est bien offusqué de la manière dont Robespierre a été décrit dans Assassin’s Creed Unity, qui n’est qu’un jeu et qui a son propre univers de Templiers Vs Assassins – Robespierre n’est pas un saint non plus. Je n’ai pas entendu Mélenchon s’insurger contre la destruction de Paris dans Call of Duty: Modern Warfare 3.

Enfin soit, toujours est-il que les clichés auront toujours la vie dure.

Si je me suis dis « tiens, faut que je retweete l’article – car cela implique le cliché de la fille incapable de se débrouiller en informatique » sans oublier que je suis plus sensible au sujet du fait que l’ASBL pour laquelle je bosse a décidé de rejoindre le groupe de travail Genre-et-Tic-, après lecture d’un article qui détaillait le contenu du livre et des commentaires, je me suis rendu compte que le livre dessert son but premier: pour l’auteur, être un « Computer Engineer » se bornerait à lancer les idées du design d’un jeu que les garçons coderaient (en plus d’être les sauveurs de Barbie contre son méchant virus).

Terrible pour mon domaine professionnel que de voir qu’en fait, l’informatique – dont on confond tout: tu t’y connais un peu, donc, t’es censée savoir résoudre les problèmes de réseaux, les problèmes d’hardware, les problèmes de Windows… -, pour l’auteur du livre, se résume au design d’un jeu… même si après, on peut voir les garçons aider Barbie à récupérer ses fichiers, ainsi que ceux de Skipper, sa soeur, dont l’ordinateur a été contaminé par le virus de Barbie, en réalité, dans la clé USB qu’elle porte autour du cou. Je n’ai pas fait attention de voir s’ils lui ont installé un anti-virus par contre. S’ils ne l’ont pas fait, alors, ils ne sont pas mieux que Barbie.

Et des personnes qui ont commenté l’article de Gizmodo ont fait remarqué à juste titre que Tux, symbole linuxien, était repris sur la couverture d’une histoire avec un virus… Aux dernières nouvelles, Linux est très rarement inondé de virus, voire pas du tout. Tux doit être là pour faire joli. Parce que le coup du virus sur la clé USB, s’il existe, quand on travaille dans un des multiples domaines de l’informatique, en général, on fait acte de prudence… Passons sur le fait qu’une future « Computer Engineer » ne semble pas connaître certaines règles de sécurité.

Mais la fin de l’histoire est tout aussi catastrophique: Barbie n’a fait que de pondre des idées et a laissé les autres faire tout cela à sa place et pourtant, sa soeur la présente comme un génie de l’informatique (sic) et elle a des points supplémentaires: en fin de compte, peu importe votre sexe, votre niveau de compétence, c’est le « Computer Engineer » qui pond des idées qui est crédité de l’ensemble du travail.

Et vous qui avez suivi l’histoire de Barbie « Computer Engineer » et avez compris qu’en fin de compte, Barbie n’a quasiment aucune compétence en informatique, TIC, numérique, etc.., voici la phrase qui tue:

Barbie’s terrific computer skills have saved the day for both sisters!

« I guess I can be a computer engineer! » says Barbie happily.

Traduisez: Les compétences extraordinaires de Barbie en ordinateur ont sauvé la journée des deux soeurs! « Je pense que je peux être un Computer Engineer » dit Barbie gaiement. Notez aussi que terrific en anglais peut aussi signifier quelque chose de terrifiant et que c’est peut-être plus approprié.

Vous ne rêvez pas. Barbie, qui n’est capable d’avoir un anti-virus, qui contamine l’ordinateur de sa soeur, qui fait appel aux garçons pour s’en sortir (et qui utilisent du matériel autre que le leur pour l’aider) , pour qui Computer Engineer se résume à trouver des idées de design pour un jeu éducatif, qui, en fin de compte, sait juste utiliser les fonctionnalités de base d’un ordinateur, déclare qu’elle peut être un « Computer Engineer » – avec l’auteur qui souligne les compétences extraordinaires de Barbie…

Et Mattel a beau s’excuser, il n’y en a pas un qui, à l’époque, s’est rendu compte qu’une série « I can be » montre qu’on PEUT ÊTRE tel METIER et que ce livre en fait, montrait qu’une fille NE PEUT PAS ETRE (Barbie est quasi dépeinte comme incompétente) tel METIER MAL COMPRIS PAR L’AUTEUR (« Computer Engineer » équivaut à pondre des idées pour un jeu. Les métiers de l’informatique apprécieront).

En définitive, si Barbie et Mattel sont stigmatisés aujourd’hui (mais bon, leur stigmatisation n’est pas nouvelle non plus) pour ce livre, cela veut dire qu’on prend conscience des clichés déjà inculqués aux enfants – et puis, c’est encore une question de culture (il faudra quelques générations pour arrêter de croire que tel métier est l’apanage de tel public). Ayant eu l’habitude de voir des joueurs refuser de croire que j’étais une adulte de +25 ans et que je ne pouvais être qu’un gamin de 12-16 ans, sous prétexte que les filles, ça ne joue pas ou du moins, existent sur Internet (ou de passer du méchant admin enfant à la fille à draguer), cela ne m’étonne guère de l’existence de ce livre. Etant aussi habituée à l’étiquette « Tu t’y connais, tu sais TOUT », cela ne m’étonne guère non plus de l’amalgame des métiers de l’informatique.

Et puis, ce livre date de 2010, peut-être que Mattel sortira une version où Barbie travaille en équipe et qu’elle est la développeuse principale de son jeu, que son équipe est mixte, qu’elle protège son ordinateur et que le titre reflétera vraiment le métier présenté. Et que quelqu’un en interne aura l’intelligence de vérifier si la majorité de l’histoire est cohérente par rapport à la collection « I can be ». Je ne dis pas qu’il faille interdire, brûler le livre, je dis simplement qu’il faudrait simplement le rectifier pour coller plus à la réalité du monde de l’informatique… ou l’utiliser comme base de lutte contre les clichés et les préjugés.

Et comme tout tombe à point, ce 24 novembre, soit 4 jours après avoir écrit l’article sans le publier, voici donc un article sur Interface3 Bruxelles (dommage qu’il ne cite pas Interface3 Namur): http://www.rtbf.be/info/regions/detail_la-femme-est-nulle-en-informatique-une-asbl-se-bat-contre-ce-cliche?id=8444679.

Comme quoi, encore en 2010 comme en 2014, le cliché de la femme nulle en informatique reste bien trop ancré.

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Vinciane

Conseillère pédagogique et développeuse PHP, passionnée de nouvelles technologies, de l'histoire (particulièrement l'Antiquité et la Second Guerre Mondiale) et des jeux vidéo, j'aime écrire, tester et partager.

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